La créature a attendu tout le jour que reviennent les heures obscures. Tapie avec ses semblables dans quelque recoin secret du parc, où ne parviennent ni la lumière ni les regards. Enfin le soleil descend lentement derrière la cime des arbres, derrière les tuiles tièdes du palais de la place d'Espagne, il s'enfuit derrière les collines assoupies de l'Andalousie jusqu'à disparaître pour de bon.
L'être nocturne jaillit alors de nulle part. Déploie sa longue cape noire qu'un rayon de lune traverse furtivement, révélant un étrange et merveilleux labyrinthe de nervures. Elle se jette dans les airs suivie par ses consœurs. Ombre parmi les ombres, la bête traque sans merci les minuscules virevoltants qui sauront calmer son appétit, elle glisse sur les ténèbres dans une chasse silencieuse, murmure invisible dans la nuée. Ses victimes invisibles vacillent dans la lumière des réverbères, fauchées unes par unes par la prédatrice aveugle.
Avant de s'en retourner à sa mystérieuse caverne, elle se rit du pathétique primate qui s'affaire sous ses ailes grandes ouvertes, tentant en vain de capturer une image d'elle en train de prendre son petit déjeuner.
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